Comme tout vampire qui se respecte, je devais me nourrir. Pour cela, je n'avais pas trente six solutions. Je ne pouvais pas aller au supermaché du coin et demander deux litres de sang AB+. Je ne pouvais pas non plus aller voler du sang dans les hôpitaux car des gens avaient besoin de ce sang. Certes, j'aurais pu tuer un humain ou deux de temps à autre, mais ça non plus je ne le pouvais pas.
Non, je n'étais pas allergique à leur sang. J étais simplement contre l'idée de tuer un humain. Après tout, moi aussi j'avais été humaine et je n'aurais pas aimé connaitre une telle fin, que j'avais d'ailleurs failli connaitre. En gros, je n'avais donc qu'une seule solution, chasser, tel la prédatrice que j'étais finalement devenue.
Pour cela, je partais dès que la faim se faisait sentir. Je partais en forêt ou en montagne, selon mon humeur. Aujourd'hui, j'avais choisi la montagne, par exemple. Le temps n'était pas idéal. De gros nuages embrassaient la crête des montagnes... Bref, c'était un temps pas trop mal pour chasser un cerf car ce n'était pas le temps idéal pour de la rando. J'espérais ainsi être seule, en un genre de communion avec la nature particulièrement glauque. N'empêche, j'espérais ne croiser personne et vite revenir à Forks pour reprendre ce qui était une vie un peu plus normale.
Mais pour le moment, il n'en était pas question. D'abord, je devais me nourrir. C'était un peu ^pour cela en fait que j'étais comme perdue au milieu de nulle part.
Les oiseaux chantaient. Le vent balayait mes cheveux et mon ouie était en alerte, guettant la présence d'une proie. D'ailleurs, cette dernière ne se fit pas tellement désirée. Elle arriva bien assez vite et fut bientôt à ma merci. Je lui pris ce qu'il me fallait de sang et la laissait repartir. Quand je le pouvais, je ne tuais pas l'animal choisit. Comme dit, je trouvais cela vraiment trop cruel.

Maintenant, il était temps de rentrer. J'avais déjà pris le chemin du retour quand une femme, très belle mais pas une vampire soit dit en passant, s'interposa sur ma route. Je m'arrêtai, déconcertée. J'avais vraiment crue que je pourrais être seule pour une fois et rentrer vite, mais finalement ça n'en serait peut être pas le cas. De fait, mes projets attendraient un peu.

- Salut, dis-je, polie que j'étais. Je suis Rose. Et toi?

Forks… Bienvenue à Forks qu’ils disent dans la brochure de la ville. Enfin, brochure… Je me demande bien pourquoi ils vendent des guides touristiques pour cette ville… que dis-je, cette bourgade miteuse et pittoresque… Comment ai-je pu tomber aussi bas ? Comment ai-je pu me laisser enrouler dans cette mission qui m’emmenait loin de chez moi ? Tout simplement parce que je dois gagner ma vie et que mon super patron avait eu la bonne idée de me mettre sur les bras toute une ville infestée de vampires et de loups-garous. C’est bien ma veine tout ça. Enfin, je n’ai pas de veine ! Je n’en ai jamais eu. Enfin bref, ce n’est pas vraiment le moment de me plaindre sur ma vie qui n’intéresse visiblement personne. Mis à part ma bonne grand-maman qui attend mon coup de fil avec impatience chaque jour que Dieu fait. Elle s’intéresse à tout et n’importe quoi. Parfois elle me demande ce que je lis, ce qu’il se passe, de quoi ça parle, si j’ai fait des courses, si je pense bien à me laver les dents matin, midi et soir. Les trucs méga pas important de ma vie, mais ça la rassure que je réponde à chacune de ses questions. Et puis, il n’y a plus que nous deux maintenant, alors c’est normal qu’on se sert autant les coudes. Mais bon, parfois, ma Granny chérie oublie que j’ai 20 ans et que je suis une grande fille. Mais personne âgée oblige, dirons-nous. C’est un peu parce qu’elle s’inquiète tout le temps pour moi que je ne lui ai jamais parlé de mon travail. Officiellement, je suis chasseuse de monstres. Officieusement, je travaille en tant que serveuse. Je ne vous parle pas du bobard que je lui ai raconté à propos d’un poste de serveuse qui se libérait et qui me permettrait de remettre à flot mon compte en banque qui est soi-disant quasiment vide. J’en ai plus qu’assez de mentir par peur de me retrouver à la porte de chez elle, valise en main ; car elle est ma seule famille. La seule qui a su me rendre heureuse après la mort de mes parents.

Je claquais la porte de mon appartement et la fermais à clé. Je n’ai rien de précieux sur moi, mais bon, je n’ai pas vraiment la tête à rentrer chez moi et à découvrir qu’un de mes soutifs a été volé. Quand je vous disais que je n’avais emmené avec moi qui les trucs les plus rudimentaires, je ne rigolais pas.
Je descendis les escaliers tranquillement, veillant à cacher mon holster, contenant mon Browning Hi-Power, avec ma veste. Par chance pour moi, Forks est le type de ville où il ne fait que très rarement du soleil et donc par conséquent, il ne fait pas chaud non plus. Ca me change de d’habitude, à Saint Louis. Là bas, nous avons de vraies saisons et croyez moi, quand il fait plus de 30°C dehors que je suis obligée de me balader avec une veste à manche longue et assez épaisse pour cacher mon matériel de chasse, autant vous dire tout de suite que je fond comme neige au soleil !
Aujourd’hui, j’avais décidé de partir en reconnaissance. Ca me fout les jetons de devoir me balader au beau milieu de gens dont plus de la moitié sont des cadavres ambulants et des animaux sauvages. Mais bon, c’est les risques du métier et quand j’avais accepté le boulot, je l’avais accepté en connaissance de cause. C’est trop tard pour faire marche arrière Alex !
J’adressais un petit bonjour au concierge qui passait le balai dans le hall. Je l’aime bien ce vieux monsieur. Un brave homme. Jamais il ne m’a posé de questions quand je suis rentrée à plusieurs reprises avec des tee-shirts à moitié déchirer. Bah oui, les combats contre des montres, c’est toujours difficile de s’en sortir sans se casser un ongle. D’ailleurs, pour ma part, je les ronge. Ca va plus vite !

Dehors, le temps était couvert. C’était le temps idéal pour partir en reconnaissance et se faire une petite idée du nombre. Je me demande comment font les gens pour ne pas remarquer que certains des habitants étaient beaux comme des Dieux vivants. Aveugle un jour, aveugle toujours !
La semelle ne faisait pas un bruit sur le goudron noir des rues. Enfin, pas un bruit pour l’oreille humaine. Demandez à un vampire pour voir. Il m’entendrait arriver à un kilomètre à la ronde. Enfin bon, je ne suis pas encore en chasse, donc je peux faire autant de bruit que je veux ! Mais bon, je ne peux pas me faire remarquer non plus. N’oublions pas je suis ici incognito !

Forks n’est pas très grande comme ville et en près de deux heures j’avais fait le tour. Les statistiques que j’avais faites avant de venir correspondent exactement à ce que je venais de découvrir. Comme quoi, avec le temps, le boulot rentre, comme on dit. Tout cela ne m’étonne même pas, mais à ma connaissance, je suis la seule chasseuse en ville, et les détruire tous… C’est un boulot impossible. Il allait falloir que j’appelle le boulot pour demander des renforts ; tout en espérant bien sur qu’on ne m’envoi pas chier, parce que ça allait gueuler. Je déteste me faire exploiter et il fallait prier pour ne pas que mon boss le fasse un jour parce je ne donnerais pas chère de sa peau ! Enfin bref, ce n’est pas vraiment le moment de parler de ça.
Je venais d’emprunter un sentier qui menait je-ne-sais-où. Tout ce que je sais, c’est que le sentier mène quelque part (tout du moins, il est censé mener quelque part). Je marchais toujours lorsque je me rendis compte que le sentier commençait à monter. Forcément, je suis entrain de m’envoyer dans les hauteurs… Enfin, un peu d’air pur me fera sans doute le plus grand bien. Je continuais donc mon ascension vers les hauteurs. Je marchais déjà depuis un bon bout de temps quand une scène me souleva le cœur. Il y avait devant moi un vampire femelle entrain de zigouiller je ne sais quelle espèce d’animal pour s’en nourrir. Je détournais aussitôt le regard. Sensible, moi ? Surtout quand il s’agit de pauvres animaux innocents qui n’ont jamais rien demandé à personne. Je pris une grande inspiration et comptais jusqu’à dix avant de reculer légèrement et de rebrousser chemin. Quand je jugeais que la distance qui me séparait de la buveuse de sang était suffisante, je m’arrêtais et me cachais dans les fourrées. De ce que j’ai pu comprendre, il n’y a qu’un seul chemin pour monter jusqu’ici. Donc c’est forcement par ici qu’elle passerait. Sauf exception. J’entrouvris légèrement ma veste afin de pouvoir dégainer assez rapidement. Je m’adossais contre l’arbre et entendis. Avec le temps, j’ai appris à me faire discrète, limite devenir invisible, bien que les vampires ne sont pas ceux qu’on impressionne le plus facilement en restant caché dans un coin sombre. Cependant, je compte toujours sur ma chance, même si elle n’existe pas. Et si je ne peux pas compter sur ma chance, je n’ai plus qu’à remettre ma vie entre les mains du Seigneur.
J’attendais inlassablement. Moi qui ne suis pas spécialement patiente, là, on peut dire que je méritais le titre de la patience même ! Finalement, mon attente paya car ma petite buveuse de sang apparut. J’attendis encore un peu avant de venir me planter face à elle. Comme un automatisme, je me positionnais de façon à ne pas perdre mon équilibre facilement. On peut appeler ça la position défense, mais pour l’instant, il n’y avait rien de surprenant.
Au lieu de me montrer les crocs comme la plupart de ses congénères, la vampire me salua et se présenta sous le nom de Rose. Puis elle me retourna la question. Je restais tout d’abord muette. C’était trop d’info d’un coup là ! N’a-t-elle donc aucune idée de ma présence face à elle ? Ou bien le fait-elle exprès ?

- Rose… Un bien joli prénom pour un cadavre ambulant comme toi !

Ah oui ! Ai-je oublié de préciser que la plupart des gens trouvent mes allusions nulles au point de s’en énerver et de vouloir me tuer ? Oui ? Vraiment dommage…

La jeune femme en face de moi était vraiment belle. Aussi belle qu'eut pu l'être un vampire, sauf que j'entendais distinctement battre son coeur. Elle était bel et bien vivante et très jolie par dessus le marché.
Cela dit, elle avait beau être jolie, ça ne changeait rien à la dureté de son regard et à la non sympathie que j'y lisais.
Je ne comprenais pas. Je n'avais jamais vu cette fille donc je ne voyais pas en quoi je lui avais fait du tort. Je m'en serai surement souvenue si j'avais fait quelque chose à cette fille. Elle avait un visage qu'il me semblait délicat d'oublier. De plus, j'avais toujours eu de la mémoire, même celle des détails. Ainsi, je me souvenais encore des vêtements que j'avais porté le jour de mon entrée en sixième. Conclusion, si je me souvenais d'un truc pareil, il ne m'était pas difficile de me rappeler des visages.
Mais là, rien. Elle me regardait férocement et je n'y pigeais rien. Je n'avais rien à me reprocher et la montagne était à tout le monde. Donc, oui, je n'y comprenais pas grand chose. Je n'y comprenais rien.
Ou plutôt si, je compris bientôt qu'elle savait ce que j'étais. L'allusion était assez claire et j'avais assez de neurones pour piger. La jeune fille savait que je n'étais ni morte ni vivante. Elle savait et me méprisait sur ce seul fait alors que je n'avais rien demandé à personne. Je n'y pouvais rien si on m'avait sauvée de la mort et je trouvais injuste de me juger sans me connaitre. C'était vraiment quelque chose que je ne supportais pas. Ca m'était trop arrivé et je garantie que c'est invivable, vraiment. Cela dit, je ne serai pas pour autant aussi cassante avec elle. Pour moi, ce n'était pas encore une raison suffisante.

- J'ai été humaine avant, tu sais. Et je n'ai pas réellement choisi de mourir mais c'est arrivé, l'informai-je. Et puis je ne comprends pas ce que j'ai bien pu faire de travers! Je ne tue même pas d'Homme. Je n'y ai jamais touché. Ce que je fais, à savoir me nourrir d'animaux, ce n'est pas pire que ceux qui mangent ces animaux. Mais, si tu tiens à ce que je vire de ton espace, je m'en vais et tu ne me reverras plus jamais.

Je commençais déjà à m'en aller. Je n'aimais pas déranger les gens ni les écoeurer, alors, même si techniquement j'avais aussi le droit de trainer dans le coin, je voulais cependant bien le quitter.

Humaine ? Humaine ?! Oh oui, elle AVAIT été humaine ! Aujourd’hui, elle ne l’est plus. Ce qui fait déjà une bonne raison pour que je la prenne en chasse. Ensuite, qu’elle ait choisi ou non de mourir, ce n’est pas vraiment pas mon problème ! Si on part dans ce sens là, mes parents non plus n’ont pas choisi de mourir. Et encore moins dans d’atroce souffrance. Mais contrairement à elle, ils sont restés tranquillement dans leur tombe. Ce que j’ai actuellement devant moi est un cadavre ambulant.
Je n’ai pas pu empêcher un rictus de se dessiner sur mes lèvres. C’est fou comme les vampires pensent s’en sortir en prétextant qu’ils se nourrissent d’animaux. En gros, ils me sortaient la carte du : « C’est pas moi le méchant vampire ! Moi je suis un gentil, je bois du sang d’animaux ! » Bla, bla, bla… Mais oui ! Et moi je porte une culotte noire et tout le monde s’en fout ! J’ai pour ordre d’exterminer tous vampires de cette ville, ‘végétarien’ y comprit ! Seulement voila, la morte ambulante juste devant moi, qu’on appelait Rose, l’ignore.
Quand elle se mit à passer son chemin, j’ouvris encore plus ma veste et dégainais mon Browning que je pointais sur la tempe de Rose alors qu’elle passait à côté de moi.

- Ne fais, ne serait-ce qu’un seul pas et ta tête fera BOUM.

Moi, magnanime ? Du tout. Je compte juste m’informer un peu sur les zigotos qui peuplent Forks actuellement et après, je lui ferais sa fête. Là, on pourra dire qu’elle est morte.
Ouais je sais, j’ai une certaine aversion pour les vampires. Mais quand on assiste à une boucherie à l’âge de 17 ans, je pense que mes gestes sont justifiés. On avait essayé de me faire entrer dans le crane qu’il ne fallait pas tous les mettre dans le même panier or, j’ignore pourquoi, mais ça refusait d’entrer à chaque fois. Je suis encrée dans mes positions, mais j’y suis très bien !

Pour l’une des rares fois dans ma vie, le vampire que je menaçais n’essayait pas de bouger. La plupart on la fâcheuse tendance à ignorer ce que je dis et à avancer. Mais c’est quelques secondes plus tard qu’ils le regrettent amèrement. Lentement, je défis le cran de sécurité qui se retira dans un magnifique CLIC.

- Tu te crois meilleure parce que tu t’en prends aux animaux, hein ? Mais détrompe-toi. Du sang, reste du sang. Il suffirait qu’en être humain se blesse devant toi pour que tu craques. Crois moi, j’en ai connu des comme toi. Et ils ont tous fini par s’en prendre aux passants.

Je commençais à m'en aller quand la jolie jeune fille fit quelque chose que je n'attendais absolument pas. Elle sorti une arme d'on ne sait où (enfin de sa poche) et la pointa sur ma tempe, m'ordonnant de rester tranquille, ce que je fis évidemment. Je tenais bien trop à la vie, même à la nouvelle forme qu'elle avait prise, pour tenter quoi que ce soit. Je n'allais pas jouer les héroïnes mais je ne pigeais toujours pas ce que j'avais bien pu lui faire.
La jeune fille recommença à parler, d'une voix tout sauf gentille. Elle resta froide comme le marbre (et comme ma peau, soit dit en passant) et débita tout son monologue tandis que des larmes perlaient dans mes yeux.
Comme je vous l'ai dit, je ne tenais vraiment pas à mourir et je mourrais littéralement de trouille. J'aurais bien aimé que quelqu'un me vienne en aide mais je savais bien que personne ne viendrait.
Cela dit, la fille avait tort me concernant. Ok j'étais un vampire mais ça ne faisait pas de moi la pire des salopes. Au contraire. J'allais donc moi aussi donner mes arguments. Je ne mourrais pas de trouille sans avoir essayé de lui faire comprendre que, contrairement à ce qu'elle pensait, j'étais une gentille fille.
Prenant une grande inspiration, je murmurai alors, par dessus mes sanglots (vampire sensible oblige) :

- Je ne me crois pas meilleure. Même quand j'étais mortelle je n'y croyais pas. Je crois seulement qu'on ne doit pas juger les gens sans les connaitre. Je ne sais pas pourquoi tu m'en veux autant, hormis le fait que je sois devenue celle que je suis. Mais je sais seulement que je ne toucherais jamais à un humain. Ca me répugne trop. L'autre jour, l'humain le plus important à mes yeux s'est blessé... Mais je ne lui ai rien fait. Je ne toucherais jamais un humain. Je n'ai qu'une parole et je... Je ne veux pas mourir encore.

Le reste de mes arguments se perdit dans mes trémolos. Le pire dans tout cela, c'est que j'étais sincère de A à Z. Je ne surjouais pas. Je lui disais clairement ce qu'il en était et... Bref, j'allais surement mourir. C'était vraiment triste. J'avais espéré que ma seconde vie au moins serait meilleure que la première mais... le saurais-je un jour? je commençais à douter sérieusement.